Abolition de la peine de mort

L'ABOLITION DE LA PEINE DE MORT, NOTRE COMBAT !

Les initiatives en faveur de l'abolition de la peine de mort au Burkina Faso sont restées jusque-là vaines car la question divise fondamentalement la société burkinabè partagée entre les exigences en matière de droits humains qui impliquent le respect absolu du droit à la vie, et les nécessités de lutter contre le terrorisme et la grande criminalité, convaincus que certains sont que la peine de mort demeure un instrument de dissuasion.

Au Burkina Faso, certaines lois et en particulier la loi n°43-96 ADP du 13 novembre 1996 portant Code pénal énumère les infractions qui sont passibles de la peine de mort, qualifiée en son article 9 de peine afflictive et infamante. L’article 15 précise qu’au Burkina Faso la peine capitale s’exécute par voie de fusillade en un lieu désigné par décision du ministre chargé de la justice.

Toutefois, avec le retour à une vie démocratique normale à partir de 1991, aucune exécution suite à une condamnation à la peine capitale n'a eu lieu et de plus en plus de voix appellent à son abolition. Selon les statistiques du Ministère de la justice, des droits humains et de la promotion civique, 11 personnes sont dans le couloir de la mort. Les condamnations les plus récentes datent de 2015 à l'encontre de trois (03) personnes. Le Burkina Faso fait donc partie des pays abolitionnistes de fait. Il soutient depuis 2007 le Moratoire sur l’application de la peine de mort adopté le 18 décembre 2007 par la Résolution 62/149 de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Les organisations de promotion et de défense des droits humains ainsi que le département en charge des droits humains ont engagé depuis 2001 des actions visant l’abolition.

Ainsi en 2012 la question de l’abolition de la peine de mort a été mise sur la table des débats lors du Cadre de concertation sur les réformes politiques (CCRP). L'absence de consensus en faveur de l'abolition a conduit le Gouvernement à s'abstenir d'engager un processus dans ce sens. Toutefois le Ministère en charge des droits humains tout comme les organisations de promotion et de défense des droits humains ont poursuivi les actions de sensibilisation ainsi que le plaidoyer en faveur de l’abolition de la peine mort. Ainsi, bien qu'ayant refusé en 2013 lors de l'examen périodique universel les recommandations en faveur de l'abolition de la peine de mort, le Gouvernement burkinabè n'a pas manqué d'initiative en faveur de l'abolition.

En 2014, le Ministère des droits humains et de la promotion civique a initié un avant-projet de loi portant abolition de la peine de mort au Burkina Faso qui a été adopté par le Conseil des ministres le 15 octobre 2014. Toutefois, ce projet de loi transmis à l'Assemblée nationale n’a pu être examiné en raison de la survenue de l’insurrection populaire les 30 et 31 octobre 2014.

Par la suite le Président du Conseil national de Transition a repris à son compte le projet d'abolition sous forme de proposition de loi validée le 10 juin 2015 par le bureau du Conseil National de la Transition (CNT). La proposition soumise au Gouvernement de la Transition est restée sans réponse, et le CNT a repris l'initiative, enclenchant la procédure législative en vue de son adoption. Encore une fois de plus les divergences entre acteurs lors des consultations menées par la Commission des affaires institutionnelles, de la gouvernance et des droits humains (CAIGDH) et en particulier l'hostilité de la communauté musulmane retardera le processus d'abolition législative. La tentative de coup d'Etat de septembre 2015 a porté un coup fatal au processus.

Toutefois, la société civile réunie au sein de la Coalition nationale contre la peine de mort qui s'était faite entendre lors de ce processus de consultation s'est remobilisée plaidant en faveur de l'abolition de la peine dans le cadre des réformes constitutionnelles, institutionnelles et politiques. Elle est confortée dans ses efforts par la Commission de la réconciliation nationale et des réformes (CRNR) qui dans son rapport général a recommandé l'abolition effective de la peine de mort. Dans son rapport intitulé "Les voies du renouveau", la commission recommande au titre du renforcement des droits et devoirs des citoyens de : "abolir la peine de mort pour marquer l’adhésion au principe de la sacralisation de la vie et de la dignité humaine" (Cf. p. 82 du rapport). La Coalition nationale contre la peine de mort au Burkina Faso par le biais du Centre d'information et de formation en matière de droits humains en Afrique a soumis à l'OIF un projet intitulé "Action citoyenne en faveur de l'abolition définitive et irréversible de la peine de mort au Burkina Faso" qui a reçu l'appui de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre du 10ème FFDH. Des actions de communication, de sensibilisation, de plaidoyer, de formation ont touché les organisations de la société civile, les journalistes, les leaders religieux et coutumiers, les magistrats, les avocats et la garde de sécurité pénitentiaire et bien plus largement encore la population. Des émissions télévisuelles et des débats radiophoniques interactives ont permis de toucher une large part de l'opinion publique et de noter une ouverture progressive de la population à la perspective abolutionniste.

Conformément à ses engagements, le Président du Faso a mis en place en mars 2016 une Commission constitutionnelle pour la rédaction de la Constitution de la 5ème République. Elle a depuis lors engagé ses travaux, procédé à une consultation des acteurs dont la Coalition nationale contre la peine de mort dans le cadre de son plaidoyer. Le Président de l'Assemblée nationale auditionné par la Commission a apporté son soutien franc à l'abolition de la peine de mort. Le 10 janvier 2017 la Commission a publié un avant-projet de Constitution qui prévoit en son article 5 l'abolition effective de la peine de mort.

L'Assemblée nationale du Burkina Faso a abrité en décembre 2016 un séminaire parlementaire régional sur la peine de mort en Afrique subsaharienne francophone organisé par ECPM, la FIACAT, l'OIF, le Ministère français des affaires étrangères en collaboration avec des organisations locales membres de la Coalition nationale contre la peine de mort.

Le Gouvernement du Burkina Faso, à travers M. René BAGORO, Ministre de la justice, des droits humains et de la promotion civique a exprimé sa volonté d’abolir la peine de mort. Lors du Congrès régional africain tenu à Abidjan en Avril 2018, le Ministre a réaffirmé son engagement en faveur de l’abolition et la volonté de porter cette réforme jusqu’à son terme. Le 14 mars 2018, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi portant code pénal expurgé des dispositions relatives à la peine capitale. Transmis à l’Assemblée nationale, le nouveau code pénal a été adopté le 31 mai 2018 par 83 voix contre 42. Après plusieurs années de moratoire sur les exécutions, le Burkina Faso vient ainsi d’intégrer les pays abolitionnistes de droit pour les crimes de droit commun. Ce Jeudi 31 mai 2018 restera donc à jamais un jour mémorable pour les défenseurs de droits humains du Burkina Faso, et les abolitionnistes du monde entier.

Cette étape historique constitue l’aboutissement d’un long et intense travail de plaidoyer porté par la société civile à travers la Coalition nationale contre la peine de mort au Burkina Faso dont le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) est partie prenante. Cette coalition, mise en place par Amnesty International Burkina Faso, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples, et bien d’autres organisations en pointe dans le combat abolitionniste, a entamé depuis de nombreuses années des actions de sensibilisation du public, des formations ainsi que le plaidoyer auprès des autorités politiques. Bénéficiaire de l’appui du fonds francophone pour les droits humains en 2016, le CIFDHA a engagé avec les autres membres de la Coalition une campagne intitulée « Action citoyenne pour l’abolition définitive et irréversible de la peine de mort au Burkina Faso ». Le CIFDHA a aussi travaillé en étroite collaboration avec les parlementaires, notamment la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains (CAGIDH) de l’Assemblée nationale et le Réseau des parlementaires burkinabè pour les droits humains (RPBDH), pour faire avancer la cause abolitionniste au sein de la représentation nationale.

Le Burkina Faso doit désormais parachever ce processus abolitionniste par la révision du Code de justice militaire qui contient toujours des dispositions prévoyant la peine de mort ainsi que l’adoption de la nouvelle Constitution qui prévoit cette abolition. Nous invitons enfin notre pays à engager la procédure de ratification du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant l’abolition de la peine de mort.