LE CIFDHA CONDAMNE LES ASSASSINATS DU CHEF DE YIRGOU ET DE SES PROCHES AINSI QUE LES REPRESAILLES ET LA VINDICTE POPULAIRE CONTRE LES PEULHS DE LA REGION DU CENTRE-NORD.
Le CIFDHA a appris avec indignation et stupéfaction le drame survenu le 1er Janvier 2019 et jours suivants dans la commune de Barsalogho, province du Sanmatenga, région du Centre-Nord et dont le bilan humain reste encore à établir.
Il nous est revenu par différentes sources que des individus armés non identifiés se déplaçant à moto auraient fait irruption chez le chef du village de Yirgou, assassinant froidement six (06) personnes dont le chef de village lui-même. Pris de colère et en représailles, des habitants de la localité et les membres du groupe d’autodéfense koglweogo s’en seraient pris à des membres de la communauté peulh, accusés d’avoir été de connivence avec les assaillants. Cette vindicte populaire et communautaire s’est malheureusement soldée par plusieurs morts, des blessés et des destructions d’habitations et de biens appartenant essentiellement à cette communauté.
Suivant toujours les informations reçues de personnes sur le terrain, les autorités administratives et sécuritaires alertées à 8h dès le début des incidents n’ont pas fait preuve de diligence ni de réactivité que commandait pourtant la situation. Une équipe de trois policiers mal équipée aurait été d’abord dépêchée sur place plusieurs heures après l’alerte, pour juste faire des constats sur les assassinats et les premières tueries. Plus tard un dispositif de sécurisation a été mis en place puis allégé et c’est lorsque la vindicte s’est amplifiée le lendemain qu’un dispositif plus conséquent a été déployé pour le maintien de l’ordre. Le bilan humain en notre possession dès le 02 janvier est bien loin de celui communiqué par le Gouvernement et la mise à jour de 46 morts faite aujourd’hui.
Le CIFDHA par la présente condamne avec la dernière énergie aussi bien les assassinats lâches du chef de Yirgou et de ses proches que la chasse à l’homme qui s’en est suivie avec un bilan humain et matériel visiblement lourd. Il compatit à la douleur des familles éplorées et souhaite prompt rétablissement aux blessés. Le CIFDHA dénonce par ailleurs le manque de diligence et de réactivité, ainsi que la négligence coupable des autorités administratives et sécuritaires locales et centrales qui auraient dû circonscrire les incidents à temps et protéger les personnes ciblées par la vindicte populaire.
Le CIFDHA attire l’attention sur le glissement insidieux de la problématique terroriste vers une haine communautaire, les délits de faciès et un affrontement intercommunautaire à l’image de ce qui se passe au Mali où les affrontements entre chasseurs dogons, dozos et peulhs, sur fond d’accusation de terrorisme, sont très récurrents.
Le CIFDHA rappelle que nul ne doit subir de discrimination ni de violence encore moins perdre la vie du seul fait de son appartenance à une communauté ethnique. Les délits de faciès tout comme les amalgames communautaires, la vindicte populaire et toute forme de justice privée expéditive desservent la cause de la lutte contre le terrorisme. Les terroristes auraient eu raison de nous si cette crise sécuritaire venait à prendre des accents de confrontations intercommunautaires. Les terroristes auraient alors atteint leur objectif puisque ce qu'ils recherchent, au-delà des attaques, c’est détruire notre vivre-ensemble, la cohésion sociale, développer la haine entre les communautés et entre les religions.
Nous appelons l’Etat à redoubler d’effort dans la lutte contre le terrorisme dans le respect des exigences en matière de droits humains, le droit à la sécurité et à la sûreté de toute personne figurant en bonne place parmi les droits consacrés dans notre Constitution et dans les instruments internationaux, régionaux ratifiés par le Burkina Faso.
Le CIFDHA demande à ce que des mesures adéquates soient prises pour la protection des personnes susceptibles d’être victimes de la vindicte populaire. Au regard du lourd bilan, de la faible réactivité des autorités compétentes ainsi que des accusations de non-assistance à personnes en danger qui nous sont rapportées, le CIFDHA souhaite que des enquêtes indépendantes soient menées afin de situer les responsabilités des défaillances de la chaîne de sécurité dans la prise de mesures diligentes de protection des victimes. Par ailleurs, des enquêtes et des poursuites judiciaires devraient être engagées sans délais contre toutes les personnes qui ont participé à la commission des crimes. Le rôle joué par les membres des groupes d’autodéfense koglweogo dans ce drame doit en particulier être considéré avec la plus grande attention afin d’éviter que cela ne se reproduise, étant donné qu’ils se sont déjà illustrés dans de précédents incidents sur le territoire national.
Nous invitons les populations, notamment celles touchées par le drame à la retenue, à une étroite collaboration avec les forces de défense et de sécurité et les acteurs de la justice dans la résolution de toutes les situations conflictuelles et à s’abstenir des amalgames qui conduisent à attaquer des communautés au prétexte qu’un de ses membres se serait rendu coupable de faits terroristes répréhensibles. Le terrorisme n’a ni religion, ni ethnie ; le démantèlement de la cellule terroriste à Rayongo nous a donné de voir que des personnes issues de toutes les communautés ethniques peuvent se retrouver dans des groupes terroristes. Nous invitons enfin à la vigilance et à la prudence les populations qui par humanisme et hospitalité traditionnels sont portés à héberger des gens dont ils ignoreraient l’identité ou les desseins funestes.
Nous nous emploierons aux côtés de tous les acteurs à renforcer la sensibilisation des populations sur la cohésion sociale et le vivre-ensemble, sur l’illégalité de la justice privée et la vindicte populaire.
Fait à Ouagadougou le 04 Janvier 2019
Maître Stéphane M. I. OUEDRAOGO
Avocat à la Cour, Président du CIFDHA
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Tel : 25 50 64 65 / 25 36 75 25